La Boko Haram’isation de la société camerounaise en marche
Les forces de défense et de sécurité jouent un rôle cardinal de protection des biens et de la personne du citoyen dans le contexte d’insécurité actuel. Une position que des responsables politiques tentent de manipuler avec plus ou moins de succès.
L’affaire qui oppose le président de l’Assemblée nationale Cavaye Yeguie Djibril à son garde du corps a tout d’un cas d’école de la tendance actuelle à tout assimiler, à tort ou à raison, aux actions terroristes de Boko Haram. Le capitaine Bouba Simala, dont les charges ont été requalifiées par le tribunal militaire en menaces simples, outrage à corps constitué et violation de consigne, a été accusé par la troisième personnalité de la République d’actes de terrorisme. Une manière peu élégante d’écarter un confident devenu encombrant, soutiennent des proches du capitaine déchu qui doit en tout cas répondre de ses actes supposés devant le juge militaire.
La Boko Haram’isation qui peut se définir comme des accusations proférées contre une personne ou un groupe de personnes d’être des agents du terrorisme possède une caractéristique principale : elle ne s’appuie sur aucun élément de preuve.
Et l’étendue du phénomène est importante et complexe.
Il est en effet difficile d’établir la frontière exacte entre les mesures légitimes de sécurité et la mise à l’index gratuite de personnes avec pour unique objectif de résoudre rapidement un différend personnel avec les moyens de l’Etat en toute bonne conscience.
Les tentatives de jeter le bébé avec l’eau du bain se sont multipliées avec l’émergence de la méthode lâche des attentats-suicides opérés à Maroua et à Fotokol pendant le mois de juillet dernier. Les autorités municipales et administratives de Yaoundé ont lancé l’opération ville-propre dont les cibles-principales sont les enfants de la rue dont la situation n’a pas pu être régularisée pendant les dernières décennies. Il en est de même des récalcitrants de tout ordre dont les actions sont en priorité assimilées aux menées subversives des terroristes.
Au chapitre de la gestion de la chose publique, la Boko Haram’isation est en train de s’imposer comme une arme utilisée par des responsables malhonnêtes. Les prestataires de services et autres créanciers qui se montrent pressants pour que leurs factures soient réglées au plus vite se trouvent interdits de pénétrer dans l’enceinte de certaines administrations. On les soupçonnerait de lien avec les terroristes. Une accusation grave peut-être, mais qu’importe ? Le Cameroun c’est le Cameroun. Et ce n’est sans doute pas Boko Haram qui va y changer quelque chose.
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