L’arnaque à la camerounaise

Article : L’arnaque à la camerounaise
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20 novembre 2012

L’arnaque à la camerounaise

  • Cette histoire s’est passée en novembre 2011

    Affiche millionnaire
    « Difficile de gagner un franc sans avoir travaillé » Une maxime qui m’a sauvé.

Il était à peu près 10 heures et je ne sais pas pourquoi je déambulais à cette heure là dans la rue déserte de mon quartier de Mimboman, Yaoundé. Je traînais sur le trottoir quand un jeune homme visiblement mon aîné de quelques années vint m’accoster. Je fus un peu effrayé puisqu’il avait cet air bizarre qu’on souvent les personnes qu’on rencontre pour la première fois. Un pantalon jean élimé et sans mesure, une vielle chemise légèrement froissée, des cheveux courts mais ébouriffés et puis aux pieds des écrase-merdes qui avaient dû être marron dans leur jeunesse. En un mot c’était un homme à côté de la plaque qui me salua timidement ce matin-là.Et je fus effrayé disais-je.

Le montage

Je l’écoutai quand même. Il voulait savoir où se trouvait le siège du PMUC, une société de pari. Le siège lui demandai-je ? Je crus un moment qu’il n’avait plus toute sa tête le pauvre. D’abord parce que le siège du PMUC en réalité ne se trouve pas à Yaoundé mais à Douala et la représentation régionale qui se trouve à Yaoundé se trouve littéralement à l’opposé du chemin qu’il suivait avant de me rencontrer. Bon, en toute bonne foi je décidai de lui expliquer comment il pouvait se rendre à la représentation régionale. Je lui demandai s’il avait un peu d’argent pour le taxi, il me dit oui. Très bien fis-je, il faut prendre un taxi et lui demander de te laisser au siège du PMUC au quartier Hippodrome.  Il me demanda si nous en pouvions pas y aller en moto-taxi plutôt.

Nous ? Je lui dis non dare-dare. Ce monsieur m’inquiétait. Pendant que je m’apprêtais à prendre congé de lui, un jeune homme en moto vint nous proposer ses services. En fait je ne me rappelle pas exactement si le moto-taximan s’était arrêté de son propre chef ou si c’était mon interlocuteur qui l’avait hélé. Il proposa au transporteur de l’emmener en ville au siège du PMUC. Avec une naïveté déconcertante, mon interlocuteur de tout à l’heure lui raconta ce qu’il allait faire au siège régional de cette société de pari. Il avait remporté une cagnotte de 4 millions de F. CFA et y allait pour la retirer.

Consterné par un si grand manque de subtilité, je revins vers lui et le suppliai d’emprunter le taxi si ce qu’il prétendait était vrai. Pris de courroux, il sortit à même la poche de son jean un petit billet de loterie où des écritures commençaient déjà à s’effacer. Un billet du PMUC et une coupure d’un périodique de pari. 4 millions à gagner et il disait les avoir là, dans ce bout de papier. Je lui demandai pourquoi venir retirer une si grosse somme seul. Il n’avait pas d’amis ? Si mais il venait d’une ville de province, il n’avait pas de pièces d’identité et venais juste de descendre du bus. J’oubliais de lui demander d’où lui venait cette obsession pour les moto-taxis.

Alors que j’essayais de le raisonner, notre moto-taximan s’approcha et flairant que je ne voulais pas le laisser seul avec l’infortuné gagnant du loto, il me pris de côté. Il m’expliqua que c’était là la chance de notre vie. Ah bon ? lui demandai-je avec humeur sachant très bien où il voulait en venir. Mais oui fit-il. Il me raconta qu’il avait l’impression que le « pigeon » avait confiance en moi et qu’ensemble, on pouvait le plumer. Je lui dis que ce n’était pas trop dans mes cordes. Et pendant que je me demandais ce que tout ceci signifait, notre campagnard s’approcha et nous proposa d’aller l’accompagner, de le protéger contre d’éventuels agresseurs et que cette commission nous ferais gagner à chacun cent mille francs. Rien que ça ! Le transporteur voulait plus, il imposa que ce soit plus. On tomba d’accord sur le double. Oui, « on » puisque je m’étais dis que dans cette affaire je n’avais finalement rien à perdre. Je fouillai mes poches, il y avait mon portefeuille avec ma carte d’identité et puis un simple billet de mille francs. Ah oui ça me revient, j’allais acheter du pain à la boulangerie du quartier !

Le déroulage

Moto accidenté
Les moto-taxi ne sont pas seulement dangereux pour la circulation.

Nous grimpâmes donc sur la motocyclette de marque chinoise et le conducteur décida, malgré mes mises en garde, de contourner l’interdiction pour les moto-taxi de parader au centre-ville. Moins d’un kilomètre après que nous soyons partis, le « pigeon » commença à s’inquiéter. Quoi ? s’interrogea-t-il d’abord qu’est-ce qui me prouve que vous n’allez pas me rouler dans la farine ? Je lui dit que rien mais que c’est lui qui avait insisté. A ce moment, le transporteur arrêta la moto et pris d’une bonne foi qui me frappa profondément (en mal) il me rétorqua que la crainte de notre compagnon était légitime. Il fallait quelques garanties. Je n’y trouvai pas d’inconvénient. Je lui dis que je n’avais rien sur moi. Le transporteur mis sa moto en gage et promis de mettre cinquante mille francs en plus. Ce qui faisait un total environ de trois cent cinquante mille francs. Je fis remarquer que cette somme était très inférieure à la cagnotte en jeu. Non me répondirent les deux autres en cœur, c’était un geste de bonne volonté. Pendant que nous serions à l’intérieur de l’agence pour retirer l’argent, notre ami resterait dehors avec la moto. Bien, pensai-je. La garantie en béton armé était là.  Et moi qu’est-ce j’apportais ? Rien répétai-je en toute bonne foi. Puis je me rappelai que j’avais cent mille francs quelque part chez moi. Je leur dis que j’avais cette somme. Leurs visages s’illuminèrent. On pouvait repartir. Mais pas si vite repris notre campagnard qui semblait si niais naguère. Il fallait rassembler les garanties au plus vite. Pris de doute sans savoir pourquoi, je décidai de me retirer de l’aventure, je renonçai à ma part du butin torturé par le fait que je n’avais rien fait pour mériter cette manne qui semblait me tomber du ciel.

Le prestige manqué

Très énervé, le moto-taximan s’en alla pendant que mon paysan plus niais que d’habitude essaya de me convaincre de ne pas le laisser à la merci de ce monsieur qui l’effrayait. Je lui demandai d’emprunter un taxi. Il me dit que non, il voulait me récompenser. Une nouvelle fois, j’eus pitié de lui. J’étais devenu un bon samaritain. Mais cependant, je lui dis que je l’accompagnerai si et seulement si il me promettait de ne pas me récompenser pour cela. Entre temps le transporteur était revenu. Je refusai d’enfourcher encore cette moto. Mon paysan redevenu farouche me pressait de le faire. Je lui dis non. La moto repartit sans nous deux. Jetant un coup d’oeil à ma montre, je me rendis compte qu’il était déjà midi. Je m’excusai puisque je devais animer mon émission à Radio Campus dans l’après-midi et il fallait que j’aille à la bibliothèque pour préparer le programme. Je ne le lui dis pas, je me limitai au terme générique  » contraintes d’emploi du temps ».

Après un moment de réflexion pendant lequel nous nous regardions dans les yeux, il décida de prendre la route, seul. Je tournai aussi les talons. Quelques temps plus tard je me retournai et je le vis au sommet de la colline enfourcher la même moto qu’il me disait craindre tout à l’heure. C’est à se moment-là  que j’ai réussi à déconstruire l’arnaque à laquelle je venais d’échapper.

Ce qui se serait passé

Mes deux compagnons étaient en fait des compères. Si vous relisez mon récit vous allez vous rendre compte que leurs  actions s’emboîtaient pour me plumer les unes. Le moto-taximan feignait de mettre sa moto en gage. Si nous étions entrés ensemble dans l’agence, le campagnard serait parti avec sa moto et avec ma garantie. Le moto-taximan qui serait entré avec moi se serait étonné en premier du vol de sa moto tandis que moi j’aurais pleuré pour mes cent mille francs. Plus tard, ils se seraient retrouvés et auraient partagé mes cent mille tandis que moi, cupide et idiot, j’aurais été victime d’une arnaque à la Cameronaise.

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Commentaires

salma
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et bien moi je dis dieu merci on a encore nos cent mille hein le gars bon rect et n'aide plus les inconnus et où est le pain là