20 décembre 2013

Cameroun : la République à feu et à sac

Il ne se passe plus une semaine sans qu’une administration ou un établissement public ne soit victime d’un incident. Incendie et cambriolage.

Drapeau
Les élections législatives et municipales du 30 septembre 2013 imposent au président de la République de procéder à un remaniement.

Le fait le plus récent remonte à la nuit du 13 au 14 décembre dernier. La préfecture de la ville de Dschang, dans l’ouest du pays a été volée.  Ceci dit, c’est au ministère de la Santé publique qu’il faut se rendre pour comprendre qu’il y a peut-être quelque chose qui ne va pas dans les couloirs des administrations au Cameroun. En l’espace d’une semaine, deux incendies se sont déclenchés dans les services de ce département ministériel. L’un dans les «services centraux», pas loin du cabinet du ministre, dans le bureau du directeur de la logistique. C’était le6 décembre 2013. Un malheur ne venant jamais seul, le vendredi 13 décembre une autre alerte au feu a été lancée à la direction de la Santé communautaire située un demi-kilomètre plus loin. Dans les deux cas, les sapeurs-pompiers n’ont pas pu empêcher le feu de se propager et aux flammes d’emporter de la «paperasserie». Tout ceci ne relèverait que de l’anecdote si une semaine auparavant deux événements de nature différentes, mais d’une curiosité égale n’étaient pas arrivés. Il s’agit de cambriolages à la Fédération camerounaise de football (la fameuse Fécafoot) et au ministère de la Défense.

Le 3 décembre à  la Fécafoot, les visiteurs ont emporté selon des révélations de la presse quelque dix années d’archives contenues dans des ordinateurs et autres documents ! Au ministère de la Défense, c’est le bureau d’un général qui a été mis à sac le 27 novembre 2013. Des indiscrétions font état de quelque quinze millions de francs Cfa en liquide qui se seraient évaporés en même temps (une nouvelle fois !) que des piles de documents.

A la suite de ces incidents à répétition, les soupçons sont nés dans l’opinion sur la responsabilité des faits. Le cas du ministère de la Défense est celui qui interroge le plus. L’administration est, s’il en est, le lieu supposé le plus sûr de Yaoundé après le Palais de l’Unité puisqu’elle est logée de fait en plein cœur du quartier général de l’armée. Qu’un groupe de malfrats réussisse à avoir le courage de franchir tous les miradors, à savoir tromper la vigilance des militaires consignés aux postes de contrôle, à avoir raison de l’équipe de garde qui reste en tout temps dans le secrétariat d’un général, à prendre le temps de tout fouiller et de tout prendre et à réussir à sortir son butin en évitant soigneusement de tomber dans les pièges précédents relève tout simplement d’une fiction hollywoodienne, estiment certains.

Une analyse qui se fonde sur le contexte politico-judiciaire camerounais actuel. En effet les élections législatives et municipales du 30 septembre 2013 imposent au président de la République de revoir l’équipe gouvernementale. Des personnalités auraient peur donc de sortir du gouvernement et de se retrouver à la merci de l’opération Epervier. Craignant que les enquêteurs aillent fouiller dans les archives de leurs administrations respectives, ils prennent les devants en détruisant d’éventuelles preuves. Quid de la Fécafoot ? C’est le même fil argumentatif qui prédomine dans les débats. L’ancien président de la fédération Iya Mohamed étant derrière les barreaux, ses successeurs seraient en train de vouloir sonder sa gestion et celle de ses collaborateurs à la tête de la Fécafoot. Le cambriolage aurait pour objectif, de ce point de vue, d’emporter les preuves et d’empêcher ainsi la justice de faire son travail.

La même analyse prévaut au ministère de la Santé. Il s’agit en effet d’une administration qui a souvent été citée ces dernières années devant les juridictions compétentes en matière de lutte contre la corruption. L’un des prédécesseurs de l’actuel ministre est en effet condamné à 15 années de prison pour détournement de deniers publics. Pour ne rien arranger, les forces de sécurité et même les sapeurs-pompiers sont accusés de laxisme sinon de complicité. Pour le cas de l’incendie du 13 décembre 2013, des témoins les accusent d’être venus éteindre le feu avec des camions-citernes sans eau. Le temps de retourner à la caserne la plus proche s’approvisionner, l’aile concernée par le sinistre avait eu le temps d’être réduite en cendres.

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